Prince Henri Auditoire 02 BW

La pièce d'or 5e anniversaire de la Banque centrale du Luxembourg et du Système européen de banques centrales

08.07.2003
L'émission d'une pièce en or a toujours été un événement important. C'était naturel dans les temps lointains où les pièces d'or étaient, sans jeu de mots, "monnaie courante" comme moyen effectif de paiement. C'est encore le cas aujourd'hui alors que l'or a été démonétisé par une modification des Statuts du Fonds monétaire international en 1978.

La fascination séculaire pour les monnaies en or est liée au métal utilisé ; "Am Golde hängt, nach Golde drängt doch alles" écrivait Goethe dans le " Faust ".

Nous vivons encore aujourd'hui, avec l'émission d'une pièce luxembourgeoise en or, un événement de l'histoire numismatique de notre pays. Ceci d'autant plus que le Luxembourg a fait un emploi extrêmement parcimonieux de son droit d'émission de pièces en or. Deux émissions ont précédé celle de la Banque centrale du Luxembourg : la dernière date de 1989 et pour la première, il faut remonter en l'an 1632 !

Ces dates marquent d'ailleurs, à chaque fois, un tournant dans l'histoire de notre pays.

La pièce d'or de 1632

1632, la guerre de 30 ans fait rage en Europe et le Luxembourg, à cette époque sous domination des Habsbourg espagnols, traverse une sinon la plus difficile période de son histoire. Les troupes impériales traversent notre pays et y sévissent comme en terre ennemie. Grevenmacher, Wasserbillig, Wormeldange et Remich sont complètement ravagées, d'autres localités (Larochette, Echternach, Diekirch, etc) sont décimées et certaines localités disparaissent à jamais de la carte du Duché de Luxembourg. En 1632, l'atelier de fabrication monétaire de Luxembourg, fermé depuis 1619, est réouvert par le roi Philippe IV d'Espagne. Il servait principalement à créer du numéraire pour la solde des régiments qui se succédaient sur les terres luxembourgeoises. D'après les recherches de M. Raymond Weiller, ancien chef du Cabinet des Médailles du Musée National d'Histoire et d'Art, cet atelier se trouvait dans l'actuelle "Philippsgaas", la rue Philippe II. Cet atelier est resté actif jusqu'en 1644, date de sa fermeture définitive. Depuis lors, aucun atelier monétaire ne fut plus jamais ouvert à Luxembourg.

Les pièces frappées dans ce dernier atelier le sont au nom du roi d'Espagne Philippe IV. Elles sont fabriquées en or, en argent et en métal vulgaire. Grâce à la conscience professionnelle et à la précision extraordinaire pour cette époque du maître des monnaies, Liévain van Craiwinckel, nous avons des données exactes sur la production. 2 264 pièces d'or furent produites à cette époque. Les pièces, d'un poids de 3,34 grammes, étaient des couronnes d'or qui montrent une couronne (d'où leur nom) ainsi que, notamment, le bijou de la toison d'or, ordre de chevalerie fondé par le Duc de Bourgogne Philippe le Bon en 1430 et qui eut notamment pour Grands Maîtres ses descendants l'Empereur Charles-Quint et le roi d'Espagne Philippe II.

La pièce d'or de 1989

Trois siècles et demi plus tard, l'émission d'une pièce d'or ne répond plus à un besoin économique. Elle consacre et honore un événement. La numismatique apporte son support pour le graver dans la mémoire collective. En d'autres termes, en 1989, la monnaie en or est une monnaie commémorative. Les autorités monétaires apportent ainsi une contribution numismatique aux festivités du 150ème anniversaire de l'indépendance du Luxembourg. Cette indépendance fut acquise en vertu du Traité de Londres de 1839. La pièce, frappée à Bruxelles en 50 000 exemplaires, est faite d'or pur et a un poids d'1/5 onze, c.-à-d. 6,22 grammes. Elle montre l'effigie de SAR le Grand-Duc Jean et l'écu luxembourgeois repris des premières pièces de monnaie grand-ducales de 1854. La symbolique est claire: la pièce de 1989 rappelle que c'est par cet écu que le Luxembourg du XIXe siècle a affirmé sa souveraineté monétaire, face au Zollverein qui exigeait que ses membres, donc aussi le Luxembourg, adoptent soit le Thaler soit le Gulden comme monnaie légale. Ainsi, comme souvent, dès le moyen âge déjà, le graphisme de la pièce de monnaie sert de véhicule bien visible pour une idée politique. On peut rappeler que le Luxembourg n'a jamais adopté le Thaler ni le Gulden comme monnaie légale, mais il est resté bien fidèle à son franc. Du moins jusqu'à l'avènement de l'euro.

La pièce d'or de 2003

La Banque centrale du Luxembourg a présenté sa nouvelle pièce d'or le 20 juin 2003.

L'avers de la nouvelle pièce en or est classique. Il arbore l'effigie de SAR le Grand-Duc Henri, reprise des pièces courantes de 1 et de 2 euros sans les 12 étoiles. Nous pouvons ici admirer le beau sablage de la partie rehaussée qui contraste agréablement avec la surface brillante. Suivent le millésime et l'indication du pays émetteur ainsi que la signature de Mme Yvette Gastauer-Claire, l'artiste du portrait grand-ducal sur les pièces luxembourgeoises en euro.

Le graphisme du revers reflète le thème de la pièce: les dates 1998-2003 montrent le cadre temporaire de l'anniversaire commémoré. Ce 5ème anniversaire est aussi reflété dans la valeur faciale de 5 euros de la pièce. Deux entités occupent ce podium d'honneur qui est une monnaie commémorative en or : d'abord la Banque centrale du Luxembourg représentée par ses deux logos : l'un étant la stylisation architecturale de son siège, l'autre l'abréviation de sa désignation qui ne se retrouve pas dans les textes légaux constitutifs, mais qui s'est rapidement enracinée dans la conscience collective luxembourgeoise; ensuite le Système européen de banques centrales (SEBC) qui est formé par la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales des 15 Etats membres de l'Union européenne. Il est peut-être intéressant de noter que le SEBC regroupe à la fois la plus ancienne banque centrale d'Europe (la Sveriges Rigsbank, fondée en 1656) et la plus jeune (la Banque centrale du Luxembourg, créée il y a 5 ans en même temps que la Banque centrale européenne.).

Comme la pièce de 1989, celle de 2003 est frappée en or pur ; elle a un poids de 6,22 grammes, donc 1/5 d'once au titre de 999. Son tirage est de 20 000 exemplaires et sa production a été assurée par les "Staatliche Münzen Baden-Württemberg" dans les ateliers de Stuttgart.

Elle est disponible aux guichets de la Banque centrale du Luxembourg depuis le 24 juin au prix de 120 euros en capsule ou 125 euros en écrin.

Cette pièce constitue le point de départ d'un programme pluriannuel d'émissions numismatiques que la BCL est actuellement en train d'élaborer. La Direction de la Banque entend ainsi donner un nouveau souffle à la collection des pièces métalliques luxembourgeoises et nous positionner également en ce domaine sur le plan européen.

La séquence des émissions luxembourgeoises en or montre à quel point le rythme de la vie numismatique s'accélère dans le segment haut de gamme. Entre la monnaie de Philippe IV et la pièce de l'indépendance 357 ans se sont écoulés; 14 ans séparent la pièce de l'indépendance et celle d'aujourd'hui. La prochaine pièce est projetée pour dans un an.