Prince Henri Auditoire 02 BW

Publication du Bulletin BCL 2016/1

08.07.2016

Vue d’ensemble

Lors de sa réunion du 2 juin 2016, le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé de maintenir inchangés le taux d’intérêt sur les opérations principales de refinancement, le taux de la facilité de prêt marginal et le taux de la facilité de dépôt, à des niveaux de respectivement 0,00 %, 0,25 % et -0,40 %. Ces taux avaient été abaissés lors de la réunion du 10 mars 2016, au cours de laquelle le Conseil des gouverneurs avait également pris plusieurs mesures non conventionnelles de politique monétaire, à savoir : 

  • l’extension du programme d’achat d’actifs à 80 milliards d’euros, contre 60 milliards d’euros précédemment. Ces achats devraient être réalisés jusque fin mars 2017 ou au-delà si nécessaire et, en tout cas, jusqu’à ce que le Conseil des gouverneurs observe un ajustement durable de l’évolution de l’inflation conforme à son objectif.
  • l’inclusion d‘obligations bien notées (investment grade) libellées en euros émises par des sociétés non bancaires établies dans la zone euro dans la liste des actifs éligibles aux achats réguliers dans le cadre d’un nouveau programme d’achats de titres du secteur des entreprises (corporate sector purchase programme, CSPP). Cette décision a été prise afin de renforcer les effets des achats d’actifs sur les conditions de financement de l’économie réelle. Le début de ces achats a été fixé au 8 juin.
  • le lancement d’une nouvelle série de quatre opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO II), à compter de juin 2016, toutes d’une durée de quatre ans et à taux fixe correspondant au taux des opérations principales de refinancement de l’Eurosystème en cours au moment de la réalisation de l’opération. Pour les banques dont les prêts nets dépassent un encours de référence, le taux appliqué aux TLTRO II sera réduit et pourra atteindre un taux plancher égal au taux d’intérêt de la facilité de dépôt en vigueur à la date de la réalisation de l’opération. Il n’existera aucune exigence de remboursement anticipé obligatoire dans le cadre des TLTRO II et les contreparties seront autorisées à procéder à la substitution d’anciennes opérations (TLTRO I) en la nouvelle série d’opérations (TLTRO II). Le Conseil des gouverneurs a lancé ces nouvelles opérations afin d’accentuer l’orientation accommodante de la politique monétaire et de renforcer la transmission de cette dernière en stimulant davantage les prêts bancaires à l’économie réelle. La date de la première opération a été fixée au 22 juin.
  • le maintien des taux d’intérêt directeurs à leurs niveaux ou à des niveaux plus bas sur une période prolongée, et allant bien au-delà de l’horizon fixé pour les achats nets d’actifs de l’Eurosystème, compte tenu des perspectives d’évolution des prix. Cette annonce a été confirmée à l’issue des réunions du 21 avril et du 2 juin 2016.

Lors de sa dernière réunion du 2 juin, le Conseil des gouverneurs a jugé que le vaste ensemble de décisions de politique monétaire prises début mars confortait la dynamique de la reprise économique dans la zone euro et favorisait le retour de l’inflation à des niveaux inférieurs à, mais proches de 2 %. En particulier, les mesures prises continuent d’assouplir les conditions d’emprunt et contribuent à favoriser la fourniture de nouveaux crédits. Au-delà de l’impulsion déjà prise en compte, les mesures de politique monétaire devant encore être mises en oeuvre devraient se traduire par un nouvel élan qui contribuera à atténuer davantage les risques pesant sur les perspectives de croissance économique et d’inflation. Dans le contexte actuel, il est crucial de veiller à ce que l’environnement de très faible inflation n’engendre des effets de second tour sur les processus de fixation des prix et des salaires. Le Conseil des gouverneurs a déclaré qu’il suivait attentivement l’évolution des perspectives en matière de stabilité des prix et qu’il agirait, le cas échéant, en utilisant tous les instruments à sa disposition dans le cadre de son mandat pour atteindre son objectif.

Au début de l’année 2016, l’activité économique dans la zone euro s’est nettement accélérée par rapport au rythme de croissance des trois années précédentes. La croissance reste soutenue par la demande intérieure, tout en étant freinée par la faiblesse des exportations. Ainsi, les projections macroéconomiques de juin 2016 établies par les services de l’Eurosystème pour la zone euro anticipent une hausse du PIB annuel en volume de 1,6 % en 2016 et de 1,7 % tant en 2017 qu’en 2018. Les risques pesant sur les perspectives de croissance de la zone euro pourraient freiner cette reprise ; néanmoins, ces risques se sont atténués en raison de la mise en oeuvre progressive des récentes mesures de politique monétaire prises par l’Eurosystème. Selon l’estimation rapide d’Eurostat, la progression annuelle de l’IPCH dans la zone euro est passée de -0,2 % en avril à -0,1 % en mai 2016, reflétant essentiellement la progression des prix de l’énergie et des services. Sur la base des prix actuels des contrats à terme sur le pétrole, les taux d’inflation resteraient très faibles ou négatifs au cours des prochains mois avant de se redresser au second semestre 2016, principalement en raison d’effets de base liés au taux de croissance annuel du cours du pétrole. La remontée des taux d’inflation devrait se confirmer en 2017 et 2018, confortée par les mesures de politique monétaire et la reprise économique anticipée. Ces perspectives ressortent également des projections macroéconomiques de juin 2016 établies par les services de l’Eurosystème pour la zone euro, qui aboutissent à une hausse annuelle de l’IPCH de 0,2 % en 2016, de 1,3 % en 2017 et de 1,6 % en 2018. 

En ce qui concerne le Luxembourg, les conditions économiques demeurent favorables. Selon les premières données de comptabilité nationale, la croissance du PIB réel aurait été de 4,8 % en 2015, soit le taux le plus élevé observé depuis 2010. S’agissant du début de l’année 2016, les évolutions conjoncturelles ont été plus contrastées. Le secteur bancaire a affiché un recul du produit bancaire de près de 10 % au premier trimestre par rapport à la même période de l’année précédente. Dans un contexte de volatilité accrue des marchés boursiers, l’activité dans l’industrie des fonds d’investissement s’est également repliée. Par contre, l’accélération de la croissance dans la zone euro, la progression du sentiment de confiance dans l’industrie au Luxembourg et la bonne tenue du marché du travail laissent envisager une croissance dans le reste de l’économie. Malgré ce début d’année plus difficile dans le secteur financier et en l’absence d’indications suggérant un affaiblissement important et durable de l’activité économique, celle-ci devrait donc reprendre vigueur à partir du second trimestre 2016. 

Les projections de la BCL de juin 2016 tablent en effet sur une progression du PIB réel en 2016 proche de 3,4 %, soit 0,2 point de pourcentage de moins qu’anticipé précédemment. Cette légère révision à la baisse résulte des évolutions observées sur les marchés financiers en début d’année. L’économie bénéficierait de l’amélioration des conjonctures internationale et européenne. Compte tenu des hypothèses faites au niveau des taux d’intérêt, du taux de change et des prix du pétrole, qui se maintiendraient durablement à des niveaux plus favorables qu’auparavant, des effets positifs sur la croissance devraient aussi se manifester au cours de la période de projection, venant particulièrement d’un raffermissement de la demande domestique privée. En sus, en 2017 et 2018, les mesures d’allègement de la fiscalité directe des ménages et des entreprises donneraient une impulsion supplémentaire à la consommation et l’investissement privés. Dans ce contexte, les projections affichent une croissance du PIB réel aux alentours de 4 % pour chacune de ces années. 

Le taux de variation annuel de l’inflation, telle que mesurée par l’indice des prix à la consommation national (IPCN), a reculé et s’est établi à 0,2 % en moyenne sur les quatre premiers mois de l’année 2016. L’inflation devrait se maintenir à des niveaux proches de zéro jusqu’en août 2016 pour s’accélérer ensuite. En moyenne annuelle, le taux de variation de l’IPCN, qui s’était replié à 0,5 % en 2015, reculerait à nouveau pour atteindre 0,3 % en 2016 avant de progresser à 1,8 % en 2017 et à 1,9 % en 2018. Comparées à l’exercice de décembre 2015, les projections d’inflation ont été fortement revues à la baisse pour l’année 2016. Ces ajustements sont principalement le résultat du recul important du prix du pétrole exprimé en dollar et d’une hausse des prix des services plus contenue. Tenant compte de ce recul de l’inflation, le paiement de la prochaine tranche indiciaire est désormais prévu pour le premier trimestre de l’année 2017. De ce fait, le temps écoulé depuis le paiement précédent serait porté à plus de trois ans, ce qui constituerait le plus long espacement entre le paiement de deux tranches indiciaires depuis l’introduction de l’euro en 1999. 

En ce qui concerne les finances publiques, le solde des administrations publiques luxembourgeoises a révélé un excédent pour l’année 2015 de 1,2 % du PIB, en baisse par rapport au solde qui prévalait en 2014, mais plus favorable que celui anticipé à la fin de l’année 2015. Après une légère baisse en 2016, le solde des administrations publiques devrait se dégrader en 2017 selon les projections de la BCL pour afficher un déficit de 0,3 % du PIB, principalement sous l’effet des mesures d’allègement de la fiscalité directe annoncées par le gouvernement au printemps 2016. Ces mesures, qui seraient mises en œuvre à partir de 2017, auraient un coût budgétaire d’environ 1,5 % du PIB selon nos estimations. Le déficit de l’administration centrale passerait à 1,4 % à la fin de l’horizon de projection, après un pic de 1,8 % en 2017. Le niveau de ces déficits serait quasi-similaire à celui de l’année 2012 (-2,1 % du PIB) et serait plus important que celui de l’année 2013. Sous l’effet de la dégradation du solde de l’administration centrale, le ratio de dette publique par rapport au PIB, qui avait baissé en 2014 et 2015, remonterait à nouveau pour s’élever à près de 24 % du PIB en 2018, soit approximativement le même niveau qu’en 2013. 

Les projections macroéconomiques de la BCL de juin 2016 sont entourées de divers facteurs de risques et d’incertitude. Un renversement des dynamiques favorables actuellement observées dans la zone euro constitue le principal risque pesant sur les perspectives macroéconomiques du Luxembourg. Les risques géopolitiques et le référendum au Royaume-Uni sont des sources d’incertitude additionnelles. Les impacts finaux des allègements de la fiscalité directe à partir de 2017 sur l’activité, les salaires, les prix à la consommation et les finances publiques pourraient diverger de nos estimations, notamment compte tenu des informations seulement provisoires disponibles à ce stade sur les détails de la réforme fiscale. Au vu du caractère inédit de plusieurs mesures de politique monétaire prises par le Conseil des gouverneurs, leur impact sur l’économie à moyen et long terme reste entouré d’une marge d’erreur importante. 

Le Bulletin 2016/1 de la BCL est disponible sur simple demande auprès de la BCL (info@bcl.lu) ou peut être téléchargé sur le site Internet de la BCL (www.bcl.lu).