Prince Henri Auditoire 02 BW

Publication du cahier d'études n° 35: Financial (in)stability, supervision and liquidity injections: a dynamic general equilibrium approach

31.10.2008

Auteurs

Gregory de Walque (Banque Nationale de Belgique et FUNDP), Olivier Pierrard (Banque centrale du Luxembourg et UCL), Abdelaziz Rouabah (Banque centrale du Luxembourg)

 

Dans les modèles standards de cycles réels (modèles dynamiques et stochastiques d'équilibre général), tous les marchés sont supposés parfaitement compétitifs. En particulier, le marché des capitaux (ou le marché du crédit) n'est pas affecté par des asymétries et/ou des imperfections informationnelles, de même que par des risques de défauts. Cependant, dans la réalité, les imperfections sur le marché du crédit existent. Elles peuvent même être importantes et sont certainement un des facteurs susceptibles d'expliquer la sévérité des crises comme la grande dépression de 1929 ou encore la toute récente crise financière liée aux crédits à risques, qualifiés de subprimes. Ce rôle central du marché du crédit peut également expliquer l'importance de la régulation actuelle du secteur bancaire (et qui pourrait encore être sujette à l'avenir à un renforcement) alors que la dérégulation est plutôt de mise dans la plupart des autres industries. Il peut également expliquer pourquoi les banques centrales sont si promptes à réagir aux crises en injectant des liquidités sur le marché interbancaire, malgré le risque d'aléa moral qui en résulte.

Dans ce papier, les auteurs développent le modèle standard de cycles réels dans le but de comprendre le rôle de la régulation du secteur bancaire et les effets d'injections de liquidités par la banque centrale sur les fluctuations économiques. Pour ce faire, ils introduisent un secteur bancaire hétérogène (c'est-à-dire avec un marché interbancaire explicite) de même que la possibilité pour les firmes et les banques de faire défaut. Ils introduisent également deux institutions. La première est en charge de la supervision bancaire. Elle a pour mission de s'assurer que les banques couvrent une fraction de leurs actifs bilantaires risqués par des fonds propres. La seconde est une banque centrale. Elle est susceptible d'injecter (ou de reprendre) des liquidités sur le marché interbancaire de manière à stabiliser le taux d'intérêt interbancaire. Le modèle adopté dans cette étude est calibré sur données trimestrielles luxembourgeoises, puis simulé. 

Dans un premier temps, les auteurs s’intéressent aux effets de la supervision et plus précisément aux répercussions dues au passage d'une régulation dite de Bâle I (la pondération associée à chaque avoir risqué est fixe dans le temps) à une régulation dite de Bâle II (la pondération peut évoluer en fonction de la perception du risque). Ils montrent qu'une hausse de la productivité des firmes (choc exogène) diminue leur risque de défaut et, comme conséquence, le risque de défaut des banques. Toutes choses étant égales par ailleurs, cela réduit le niveau minimum de couverture requis sous Bâle II. Cet effet d'offre (plus de fonds peuvent être prêtés) diminue les taux d'intérêts et stimule in fine la demande et donc le PIB. En conclusion, bien qu'il ressort des simulations que l'adoption de Bâle II se traduirait par une plus grande stabilité financière du secteur bancaire (la variation du taux de défaut est plus faible que sous Bâle I), de telles règles augmenteraient la volatilité de l'économie ‘dite réelle’. 

Dans un second temps, les auteurs regardent les effets induits par les interventions (ou non) de la banque centrale sur le marché interbancaire. En d'autres termes, en cas de crise, la banque centrale peut soit laisser le taux d'intérêt interbancaire se tendre (car la demande de liquidité est supérieure à l'offre), ou au contraire injecter des liquidités (c'est-à-dire augmenter l'offre) de manière à le stabiliser. Ils montrent qu'à court terme, les injections de liquidités stabilisent tant le secteur financier que l'économie réelle: en augmentant ‘artificiellement’ l'offre de crédit, elles permettent d'une part de maintenir les taux d'intérêts bas (et donc de diminuer le risque de défaut des banques mais aussi des firmes) et d'autre part d'éviter un assèchement du crédit. Cependant, en maintenant ‘artificiellement’ bas les taux, la banque centrale va accentuer cette différence entre la demande et l'offre de crédit par les banques privées. Cela crée des distorsions qui, à plus long terme, peuvent être potentiellement déstabilisantes pour l'économie réelle. Ils montrent que ces effets - négatifs - de long terme sont cependant faibles par rapport aux effets - positifs - de court terme. 

Ce travail de recherche vise à mieux comprendre le marché du crédit et doit être vu comme une première étape. En effet, le modèle dynamique d'équilibre général que les rédacteurs ont construit est relativement simple et il devrait maintenant être enrichi (par exemple dans la tradition néo-keynésienne, c'est-à-dire avec l'introduction de rigidités nominales et avec un taux directeur fixé selon une règle de Taylor) afin d'affiner les résultats.

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