Prince Henri Auditoire 02 BW

Publication du Cahier d’études n° 171 - Long-term care expenditures and investment decisions under uncertainty

22.02.2023

Auteurs: Pablo GARCIA SANCHEZ, Luca MARCHIORI et Olivier PIERRARD 

Les soins de longue durée (« long-term care » en anglais) désignent les soins et l'encadrement de personnes en situation de dépendance sur le long terme. En raison d'une maladie ou d'un handicap, ces personnes ne sont plus en mesure d'assumer seules tous les actes de la vie quotidienne. Les personnes âgées, ayant un plus grand risque d'être atteintes d'une maladie chronique ou d'une incapacité, sont les principales bénéficiaires des soins de longue durée. En raison du vieillissement de la population, la demande de soins de longue durée ne fera donc que s'accroître dans le futur. 

Ce type de soins est coûteux. Cependant, les personnes plus jeunes peuvent anticiper ou réduire ces dépenses en adoptant certains comportements. Par exemple en constituant une épargne de précaution (ou en contractant une assurance privée) ou bien en investissant dans la prévention (régime alimentaire sain, activité physique régulière, contrôles médicaux et dépistages réguliers de certaines maladies, etc.). La littérature économique a utilisé des modèles dits de « cycle de vie » pour étudier ce lien entre comportements en première partie de vie et dépenses en soins de longue durée en seconde partie de vie. 

Cependant, ces modèles excluent toute incertitude : un individu jeune sait exactement quelles seront ses dépenses de santé futures et comment un changement de comportement aujourd’hui modifiera ses dépenses plus tard. Or, une caractéristique importante des soins de longue durée est justement la notion d’incertitude. En effet, ces dépenses sont très difficiles à anticiper : impossible de deviner jeune si on vivra en parfaite santé ou si on développera un problème sérieux nécessitant une assistance, même en étant « prudent » jeune. Le but de cette contribution est d'introduire de l’incertitude dans ce genre de modèle afin de comprendre comment elle modifie les comportements en première partie de vie. 

Nous développons un modèle dans lequel, tout au long de sa vie, un individu voit son niveau de santé se détériorer progressivement. Cependant, il est possible de ralentir cette détérioration en investissant jeune dans des mesures de prévention. Dans la version déterministe du modèle (sans incertitude), un individu commence à payer des soins de longue durée dès que son niveau de santé devient inférieur à un niveau défini initialement. En choisissant de manière optimale son investissement en prévention, un individu détermine donc également à quel âge il nécessitera des soins de longue durée. Ce type de modèle est courant dans la littérature afférente et notre apport est d’en proposer une version stochastique (avec incertitude). Dans ce cas, quel que soit l’âge, il existe un risque de développer des problèmes de santé et de devoir financer des soins de longue durée, même si ce risque est inversement lié au niveau de santé. 

La prise en compte de l’incertitude induit deux modifications du comportement. Premièrement, cela stimule l’épargne de précaution. L’intuition est évidente : une épargne est créée en amont afin de faire face aux aléas financiers qui pourraient survenir à tout moment. Deuxièmement, cela diminue l’investissement en mesures préventives. En effet, dans un cadre déterministe, un individu sait avec exactitude que plus d’investissement dans la santé reculera l’âge de début des soins de longue durée. Dans un cadre stochastique, cette relation est plus faible et donc l’incitation à investir aussi. Une implication directe de ce deuxième résultat est que l’incertitude diminue l’efficacité des politiques publiques qui visent à encourager les investissements en soins préventifs (comme par exemple des subsides). En d’autres termes, l'absence d'incertitude dans les modèles utilisés pour évaluer l’efficacité de politiques de santé peut conduire à des conclusions trop optimistes.  

Ces résultats dépendent évidemment de nos hypothèses de départ. Par exemple, nous introduisons un seul type d’incertitude, sur l’âge à partir duquel des problèmes de santé peuvent survenir, et nous supposons que la durée de vie est fixe. Une extension possible serait de considérer que la durée de vie est corrélée à l’investissement en prévention (de manière positive) et/ou à l’apparition d’un problème de santé (de manière négative), le tout dans un contexte stochastique (c’est-à-dire avec une incertitude sur ces relations). Ces nouveaux mécanismes pourraient alors impacter la relation entre incertitude et investissement en mesures préventives. C’est une piste de recherche que nous tenterons d'explorer dans des travaux futurs.  

Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème. 

Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL : www.bcl.lu