Prince Henri Auditoire 02 BW

Publication du Cahier d’études n° 177 : Frictionless house-price momentum

21.11.2023

Auteurs: Patrick FÈVE et Alban MOURA 

La dynamique des prix immobiliers est souvent caractérisée par un fort degré de momentum, c'est-à-dire que les périodes de hausse (respectivement, de baisse) des prix immobiliers tendent à s'étaler sur plusieurs trimestres consécutifs. Cette régularité est bien établie pour les Etats-Unis par l'étude fondatrice de Case et Shiller (1989). Formellement, la variation des prix immobiliers à chaque trimestre est positivement corrélée à la variation observée le trimestre précédent. Le même phénomène caractérise l'évolution des prix immobiliers dans les pays européens. 

Cette propriété retient l'attention des économistes dans la mesure où elle semble difficilement explicable d'un point de vue théorique. En effet, les forces d'équilibre présentes dans la plupart des modèles économiques tendent à éliminer toute possibilité de momentum dans le prix d'actifs tels que l'immobilier. Dès lors, l'interprétation communément admise du phénomène est qu'il reflète la présence de frictions importantes dans le marché immobilier. Plusieurs auteurs soutiennent notamment que le momentum pourrait signaler une évolution des prix immobiliers partiellement décorrélée des fondamentaux économiques, tels que les niveaux de l'offre, de la demande et des taux d'intérêt. 

Dans cet article, nous démontrons que la présence de momentum dans le prix des actifs est en fait compatible avec un environnement économique sans friction, dans lequel les prix reflètent uniquement les fondamentaux économiques. Nous établissons ce résultat dans un cadre délibérément simple, qui nous permet d'identifier le mécanisme à l'origine de l'émergence du momentum : la présence de chocs anticipés sur le prix des actifs. De tels chocs apparaissent lorsque les agents économiques, tels que les ménages et les investisseurs, réagissent immédiatement à des évènements dont ils savent qu'ils affecteront la valeur des actifs dans le futur. Dans le cas du marché immobilier, l’on peut penser à des anticipations relatives au nombre de logements actuellement en construction et qui seront mis sur le marché dans le futur (offre future), à la croissance future de la population (demande future), ou encore à la propagation lente des chocs de politique monétaire dans l'économie (qui peut affecter à la fois l'offre et la demande). 

Notre conclusion principale est donc que la présence de momentum dans les prix immobiliers est donc insuffisante pour indiquer un fort degré de frictions dans le marché immobilier. Elle ne permet pas non plus d'affirmer que les prix immobiliers sont décorrélés des fondamentaux économiques. Clarifier la ou les causes du momentum des prix immobiliers reste donc une question importante pour la recherche future, dans la mesure où des mesures de politique macro-prudentielle ou monétaire auront des effets différents selon les frictions auxquelles font face les agents économiques. 

Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème. 

Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL : www.bcl.lu