Prince Henri Auditoire 02 BW

Publication du Cahier d’études n° 178: Uncertain lifetime, health investment and welfare

24.11.2023

Auteurs: Pablo GARCIA-SANCHEZ et Olivier PIERRARD 

Du fait du vieillissement de la population, les dépenses en soins de santé sont appelées à représenter une part toujours croissante des dépenses publiques dans les pays développés. A titre d’exemple, le dernier rapport sur le vieillissement de la Commission européenne prévoit qu’au Luxembourg le coût de la santé (y compris des soins de longue durée) pour les dépenses publiques passera de 4,6% du PIB en 2019 à 7,1% en 2070. Une bonne anticipation de l’état des finances publiques à moyen et long terme suppose donc de mieux comprendre et de mieux modéliser les déterminants des soins de santé. 

L’essentiel des travaux théoriques sur les investissements que les individus entreprennent pour améliorer leur santé considère un cadre déterministe : chaque individu connait exactement sa durée de vie, ce qui lui permet de calculer facilement les bénéfices associés aux dépenses destinées à améliorer sa santé (y compris l’exercice, l’alimentation, etc.). En pratique, la durée de vie est incertaine, ce qui complique le calcul coût-bénéfice lié à l’investissement en santé et suggère que les modèles actuels omettent une dimension importante. L’objet de cette étude est de combler cette lacune en analysant l’effet de l’incertitude quant à la durée de vie sur les investissements en santé. 

Nous considérons un modèle simple, dans lequel un individu voit son niveau de santé se détériorer progressivement tout au long de sa vie. Cette baisse du niveau de santé, coûteuse pour l’individu, peut être ralentie en investissant dans la santé. Nous supposons de plus que la durée de vie de l’individu est aléatoire et nous considérons deux types d’incertitude : le risque de décès peut être lié à l’âge (scénario de type-a) ou au déficit de santé (scénario de type-d).

Nous obtenons d’abord quelques résultats analytiques. Dans le scénario de type-a, une hausse de l’incertitude génère deux effets opposés: d’un côté, la possibilité de vivre plus longtemps encourage l’investissement en santé; de l’autre, la possibilité de vivre moins longtemps décourage cet investissement. L’effet net est ambigu et dépend du poids relatif que l’individu place sur le futur par rapport au présent. Dans le scenario de type-d, un troisième effet apparaît. Si l’augmentation du déficit accélère au cours de la vie (en terme mathématique, cela signifie que l'évolution du déficit est convexe), une hausse de l’incertitude quant au risque de décès entraîne une diminution de la durée de vie moyenne, ce qui décourage l’investissement en santé. Au contraire, si l’augmentation du déficit décélère au cours de la vie (en terme mathématique, cela signifie que l'évolution du déficit est concave), une hausse de l’incertitude entraîne une hausse de la durée de vie moyenne, ce qui encourage l’investissement. 

Nous considérons ensuite une version calibrée du modèle, destinée à produire des résultats quantitatifs. Nous montrons qu’une hausse de l’incertitude stimule l’investissement en santé dans le scénario de type-a (c’est donc l’effet dû au poids sur le futur qui l’emporte). Inversement, une hausse de l’incertitude ralentit l’investissement en santé dans le scénario de type-d car le déficit évolue de manière convexe et ce troisième effet, mentionné ci-dessus, est quantitativement important. 

Ces résultats démontrent l’importance de prendre en compte l’incertitude sur la durée de vie dans l’analyse des investissements en santé. En particulier, nous montrons que les effets de l’incertitude dépendent de la manière dont elle est introduite dans le modèle. Cette conclusion soulève d’autres questions : Quelle est la manière la plus réaliste d’introduire de l’incertitude? Quelles sont les implications du vieillissement de la population dans un cadre avec incertitude? Les politiques optimales sont-elles les mêmes avec et sans incertitude? Autant d’interrogations qui pourront faire l’objet de futurs travaux. 

Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème. 

Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL : www.bcl.lu