Prince Henri Auditoire 02 BW

Publication de la Revue de Stabilité financière

23.05.2017

La Banque centrale du Luxembourg (BCL) a publié aujourd’hui l’édition 2017 de sa Revue de stabilité financière. Cette publication contribue à promouvoir la stabilité de la place financière luxembourgeoise et constitue un document de référence en matière de veille prudentielle et d’analyse des risques spécifiques aux principales composantes du système financier national.

Les paragraphes suivants traitent des principaux défis nationaux et internationaux pour la stabilité financière au Luxembourg.

En 2016, le Luxembourg a accueilli les équipes du Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre du Programme d’évaluation du secteur financier (PESF). Il s’agissait pour le FMI, en partenariat avec les autorités locales (Banque centrale du Luxembourg, Commission de surveillance du secteur financier, Ministère des Finances, Commissariat aux assurances) de faire un état des lieux quinquennal des enjeux de stabilité financière au Luxembourg ainsi que des structures et des instruments mis en place pour y faire face. La BCL a donc communiqué les données, les méthodologies et les analyses développées en interne permettant le suivi des risques pour la stabilité du système financier national. Les résultats de cette évaluation constituent également une contribution importante à la mission annuelle du FMI au titre de l’Article IV et ont fait l’objet d’un communiqué le 7 mars 2017.

Dans ses conclusions, le FMI a insisté sur la nécessité du bon fonctionnement du cadre macroprudentiel et a souligné les efforts entrepris depuis 2011 afin de mettre en œuvre les recommandations formulées à l’issue du précédent PESF. Il a ainsi rappelé que la transposition en droit luxembourgeois des directives européennes, l’adoption du mécanisme de résolution unique et la création du Comité du risque systémique (CdRS) par la loi du 1er avril 2015 s’inscrivent dans une volonté d’adopter les standards européens et internationaux en matière de surveillance et de politique macroprudentielle. Étant donné la complexité toujours croissante du secteur financier, de par sa taille et ses interconnexions multiples, mais également les exigences nouvelles en matière de régulation, le FMI a invité le Luxembourg à poursuivre la consolidation de son architecture macroprudentielle.

Au cœur de ce dispositif, le CdRS et son Secrétariat ont effectivement connu une intensification de leurs activités. Celles-ci répondent aux enjeux domestiques et s’articulent, à l’échelle de l’Union européenne, avec les travaux du Comité européen du risque systémique (CERS). D’une part, les instruments macroprudentiels tels que le coussin de fonds propres contracyclique et le coussin pour les « autres établissements d’importance systémique » nécessitent un réexamen et un calibrage périodique afin de suivre au plus près le développement de vulnérabilités systémiques. D’autre part, l’utilisation croissante d’instruments macroprudentiels au niveau européen déclenche le mécanisme de réciprocité des mesures, qui nécessite la conduite d’analyses ad hoc afin d’évaluer la nécessité de leur application au Luxembourg.

Le CERS a par ailleurs réalisé, en 2016, une analyse approfondie des vulnérabilités potentielles associées au marché immobilier dans l’ensemble des pays européens. À l’issue de cette évaluation, il a adressé une alerte au ministre des Finances du Luxembourg afin de rappeler l’importance que constitue le marché immobilier résidentiel pour la stabilité du système financier national. Celui-ci fait en effet l’objet d’un suivi constant par la BCL dont les analyses sont régulièrement partagées avec le public à travers les différentes publications de la Banque centrale. Aussi, le CdRS a fait usage, en 2016, de ses prérogatives afin d’accroître la résilience du système bancaire et de prévenir les effets de contagion et les rétroactions entre la solvabilité des ménages et la résilience des établissements de crédit. Celui-ci a invité l’autorité désignée, la CSSF, au travers de la Recommandation CRS/2016/004, à exiger des banques ayant adopté l’approche fondée sur les notations internes, de se conformer à une pondération plancher de 15% du risque associé aux expositions immobilières. À l’avenir, le Comité pourra également s’appuyer sur la Recommandation CERS/2016/14 « visant à combler les lacunes de données immobilières ». Celle-ci permettra, de fait, une collecte d’informations granulaires et la construction d’indicateurs uniformisés, tels que les ratios prêt-valeur et endettement-revenu, qui amélioreront la capacité d’analyse de l’autorité macroprudentielle nationale, permettant à son tour de développer ses moyens d’action.

Au sein de la zone euro, la reprise économique reste graduelle et, si l’inflation a connu une accélération en 2016, celle-ci a davantage résulté de l’augmentation des prix de l’énergie et des produits alimentaires. Aussi, afin de consolider l’inflation sous-jacente, l’Eurosystème a réaffirmé, le 9 mars 2017, le maintien de son agenda en matière d’assouplissement quantitatif ainsi que ses principaux taux à des niveaux inchangés. De son côté, la Réserve fédérale américaine a réamorcé, au mois de décembre 2016, la normalisation progressive de sa politique monétaire face au dynamisme du marché de l’emploi aux États-Unis. L’année 2017 pourrait donc se caractériser par un découplage croissant des politiques monétaires, dont les conséquences en matière de flux de capitaux et de taux de change se manifestent depuis la fin 2016.

Sur les marchés obligataires, la compression quasi uniforme des rendements s’atténue. Alors que l’augmentation des taux longs américains traduit des anticipations d’inflation plus optimistes, les rendements des titres souverains européens ont fait preuve d’une dispersion accrue face au risque de fragmentation politique. Aussi, afin de bénéficier de l’accélération de la croissance aux États-Unis et de se protéger de la baisse de la valorisation des obligations, les investisseurs se redéploient sur les marchés d’actions notamment américains au détriment des économies émergentes. Ces réallocations sur les marchés mondiaux interviennent dans un contexte marqué par de fortes incertitudes concernant les politiques macroéconomiques futures. Les négociations portant sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et, de manière générale, les tentations protectionnistes pourraient entraver la reprise du commerce mondial et exacerber les vulnérabilités existantes.

En Europe, le secteur bancaire continue de connaître des conditions de profitabilité faibles, induites par un environnement de taux bas et des niveaux importants de prêts non performants dans certains pays. Les récents épisodes de volatilité des marchés, marqués par l’accroissement des coûts de financement sur les marchés interbancaires et la baisse des capitalisations boursières, traduisent ainsi la confiance relative des investisseurs dans un secteur bancaire ralenti par son inertie face aux mutations du monde financier (innovations technologiques, régulation financière, concurrence du secteur bancaire parallèle…).

Par ailleurs, la faiblesse récente des échanges internationaux, si elle se poursuivait, pourrait raviver les inquiétudes concernant la résilience des économies émergentes. Bien que l’augmentation du prix des énergies et le plan de relance initié par les autorités chinoises aient permis un allègement des risques pour la stabilité financière, les marchés émergents doivent faire face au resserrement des conditions de financement en dollars et au reflux des investisseurs. En conséquence, les réallocations de portefeuilles entre classes d’actifs et zones géographiques auxquelles sont soumis les marchés pourraient être entravées par une augmentation de l’aversion au risque. Les niveaux de valorisation sur les compartiments des actions et obligataires, alimentés par l’environnement de taux bas et le mimétisme des investisseurs, exposent effectivement les marchés à des corrections significatives notamment dans le cas d’un retard, voire d’un échec, de la mise en œuvre de l’expansion budgétaire annoncée par la nouvelle administration américaine.

Ces dynamiques de marché placent de fait le secteur des fonds d’investissement au cœur des questions de stabilité financière. La recherche de rentabilité, dans un environnement de liquidités abondantes, fait des organismes de placement collectif (OPC) des acteurs toujours plus importants de la collecte de l’épargne et du financement de l’économie et du système financier. Ceux-ci font donc l’objet de plus d’attention par le régulateur, préoccupé par les risques de rachats massifs de parts d’OPC et les spirales de liquidité provoquées par les ventes forcées. Ainsi, le Conseil de stabilité financière et le CERS[i] ont chacun rendu publics, en 2016, leurs travaux consistant à poser les bases d’une future stratégie de politique macroprudentielle couvrant les activités financières non bancaires et notamment les fonds d’investissement. Il s’agit, pour une large part, d’assurer la liquidité des acteurs et de maîtriser la croissance des leviers permis par l’utilisation de produits dérivés (levier synthétique). Considérant l’importance du secteur au Luxembourg en matière d’actifs sous gestion, mais également au regard des interconnexions croissantes avec les établissements de crédit, notamment les banques dépositaires, le risque précité dans le secteur des fonds d’investissement et la contagion au secteur bancaire, par le canal des dépôts, font l’objet de travaux approfondis à la BCL.

La Revue de stabilité financière 2017 offre un regard détaillé sur l’ensemble de ces enjeux du point de vue du système financier luxembourgeois. Celle-ci révèle le dynamisme de l’économie domestique, mais aussi la nécessité d’une surveillance accrue par les autorités nationales compte tenu de la dimension procyclique de la finance et sa sophistication croissante.

L’environnement macroéconomique, marqué par des perspectives de croissance contrastées au niveau mondial et européen, traduit un contexte d’incertitudes prononcées sur les performances futures des grandes économies. Au Luxembourg, le dynamisme de l’activité consolide les grands équilibres macroéconomiques et favorise ainsi la résilience de l’économie domestique aux chocs externes. Le marché immobilier continue de profiter de la croissance économique et d’une démographie vigoureuse. Le retard de l’offre sur la demande alimente toutefois une forte augmentation des prix qui, pour le moment, restent plus ou moins en ligne avec leurs fondamentaux économiques. Cette dynamique de marché favorise néanmoins l’endettement hypothécaire des ménages essentiellement libellé à taux variable et les expose donc à un risque de taux dans la perspective d’une normalisation de la politique monétaire à moyen ou à long terme.

Sur les marchés financiers, l’année 2016 s’est caractérisée par plusieurs épisodes de progression de la volatilité liés aux risques de ralentissement des économies émergentes et au « Brexit ». Toutefois, la remontée des cours des matières premières et les résultats de l’élection américaine, favorablement accueillis par les investisseurs, ont permis une atténuation des tensions en fin d’année. Les mesures de l’attitude des investisseurs vis-à-vis du risque, proposées par la BCL, révèlent néanmoins une augmentation significative de l’aversion pour le risque qui pourrait fragiliser la résilience des marchés face à de futurs développements inattendus.

La dynamique récente du secteur financier luxembourgeois s’inscrit dans la constance. Le secteur des fonds d’investissement, bien qu’ayant marqué le pas en début d’année 2016, a par la suite confirmé son attractivité auprès des investisseurs internationaux. Les établissements de crédit, dans un contexte aux multiples contraintes (nouvelles exigences réglementaires et environnement de taux bas), parviennent à maintenir le niveau de leurs activités. Aussi, le secteur bancaire confirme sa capacité de résilience au regard des ratios réglementaires (solvabilité et liquidité), des tests de résistance, des probabilités théoriques de défaut (indice    z-score) et de l’indicateur de fragilité bancaire systémique.

Aux fins d’approfondissement, la Revue propose, cette année, trois analyses spécifiques couvrant les grands enjeux de stabilité financière au Luxembourg. Le premier travail étudie l’étendue des interconnexions entre les banques domestiques et le secteur des fonds d’investissement. Les résultats montrent que le nombre de connexions directes reste plutôt limité au sein du réseau mais que les entités entretiennent néanmoins une certaine proximité via des connexions indirectes. De plus, ils révèlent que l’ajout d’une mesure de centralité, permettant d’appréhender l’importance d’une entité dans le réseau, à la méthodologie d’identification des « autres établissements d’importance systémique » apporte un regard nouveau sur le risque véhiculé par les banques dépositaires.

La seconde analyse évalue l’impact de l’environnement de taux bas au Luxembourg sur la profitabilité bancaire et ses composantes. L’exploitation de données de panel permet d’identifier des dépendances significatives et positives entre les taux courts, la courbe des taux et la rentabilité de l’actif bilantaire ou la marge nette d’intérêt des banques luxembourgeoises. L’investigation dynamique montre, par ailleurs, un renforcement de ces relations dans le temps, suggérant leur caractère non linéaire. Ce travail révèle donc les conséquences négatives de l’environnement de taux bas sur la profitabilité bancaire au Luxembourg et les risques pour la stabilité financière dans la perspective de la poursuite de cette tendance à long terme. Néanmoins, il serait utile de rappeler que les répercussions de la faiblesse des niveaux des taux d’intérêt sur les performances des établissements de crédit luxembourgeois demeurent limitées en comparaison avec leurs homologues dans les pays de la zone euro.

Enfin, considérant l’importance des crédits hypothécaires dans la formation des prix immobiliers, la dernière analyse propose une modélisation de ces interdépendances dynamiques au Luxembourg. Les résultats confirment que l’interaction du crédit et des prix immobiliers peuvent donner lieu à une dynamique auto-entretenue, dont les écarts par rapport à sa tendance de long terme peuvent être relativement persistants. Conformément aux études précédemment conduites par la BCL, la surévaluation du marché immobilier apparaît contenue et de l’ordre de l’ajustement frictionnel.

La Revue de Stabilité financière est disponible sur simple demande, dans la limite des stocks disponibles, auprès de la BCL (info@bcl.lu) et peut également être téléchargée ici.

[i] Voir Financial Stability Board (2017). Proposed policy recommendations to address structural vulnerabilities from asset management activities. January, et European Systemic Risk Board (2016). Macroprudential policy beyond banking: an ESRB strategy paper. July.