Prince Henri Auditoire 02 BW

Working Paper 117 - Housing Prices and Mortgage Credit in Luxembourg

13.02.2018

Auteur : Sara Ferreira Filipe

La crise financière de 2008 a révélé l’importance de la dynamique du marché immobilier pour la stabilité financière et l’économie réelle. Bien que les prix immobiliers soient le fruit de facteurs structurels et de dynamiques complexes, l’association d’une croissance excessive des prêts à un important allégement des conditions d’octroi de crédits semble avoir été la cause fondamentale de la bulle immobilière aux Etats-Unis. Ce constat a placé les interactions entre le crédit hypothécaire et les prix de l’immobilier résidentiel au centre des débats de politique économique et de la recherche académique. En effet, une littérature scientifique croissante documente l’importance du crédit dans la dynamique du marché immobilier, notamment à travers les rétroactions entre les prix et le crédit.


Dans la lignée d’études antérieures, ayant privilégié l’analyse d’un seul pays (Hong Kong, Finlande, Grèce, Espagne, Irlande, Norvège, France, Suède), ce travail propose d’évaluer les rétroactions entre les prix résidentiels et les prêts hypothécaires au Luxembourg entre le début de 1980 et le premier trimestre de 2017. Afin de modéliser ces interdépendances dynamiques et de tenir compte de la possible endogénéité des variables, le choix d’une approche vectorielle à correction d’erreur est fait. Bien que les variables d’intérêt soient l’indice des prix immobiliers et le flux réel de crédits immobiliers, la base de données inclut également un proxy de l’activité de construction, le taux d’intérêt réel des prêts hypothécaires, le produit intérieur brut, ainsi qu’un ensemble de variables démographiques.


Les résultats révèlent que, sur le long terme, des prix immobiliers élevés entrainent une expansion du crédit hypothécaire qui, à son tour, enclenche une nouvelle augmentation des prix. Néanmoins, l’analyse confirme également le caractère fondamental des facteurs structurels pour le marché immobilier luxembourgeois. Premièrement, le niveau d’activité de construction, déterminant important sur le long terme, reflète les contraintes de l’offre en termes de disponibilité de logements. Ensuite, l’analyse souligne la nécessité d’une prise en compte de facteurs démographiques et insiste sur la contribution significative d’un solde positif migratoire sur le caractère soutenu de la demande de prêts hypothécaires. Ces dynamiques engendrent un déséquilibre structurel entre une offre limitée et une demande soutenue, nourrie à la fois par des facteurs démographiques, des incitations et des subventions fiscales, mais aussi par un environnement de taux d'intérêt bas. Toutefois, cet ensemble de facteurs « structurels » n’explique que partiellement la dynamique des prix du marché de l'immobilier résidentiel au Luxembourg. Ainsi, une mesure de surévaluation des biens immobiliers résidentiels, construite à partir de l’écart entre les prix observés et ceux prédits par le modèle, révèle que le marché des biens immobiliers résidentiels luxembourgeois est caractérisé depuis les dernières années par une surévaluation modérée, mais persistante, des prix par rapport à leurs fondamentaux. Celle-ci s'explique bien sûr par l'importance des rigidités de marché induites par les facteurs sous-jacents à la limitation de l'offre et de l'excès de la demande. La surévaluation est estimée à 6,85% en moyenne depuis le début de 2012 mais avec une tendance décroissante sur les derniers trimestres. Toutes choses égales par ailleurs, la non considération de telles rigidités dans le modèle se traduirait par de plus importantes déviations des prix par rapport au prix d'équilibre estimé. En d'autres termes, les résultats des modèles convergeraient vers ceux déterminés par les ratios statistiques.


Sur le court terme, l’analyse montre que la correction de la déviation des prix immobiliers par rapport à leurs fondamentaux s’effectue plus lentement que dans d’autres pays, à un rythme moyen de 2,2% de la surévaluation chaque trimestre. Cela implique que la mesure de la demi-vie (le temps nécessaire pour éliminer 50% du désalignement) est de 31,5 trimestres pour les prix résidentiels. En comparaison, la correction de la déviation du crédit hypothécaire par rapport à ses propres fondamentaux ne prend qu'environ un trimestre. Cette déviation entre également dans l'équation de court terme pour les prix du logement. Cependant, son coefficient est statistiquement non significatif, ce qui suggère que les prix immobiliers ne s’ajustent pas immédiatement à un déséquilibre sur le marché des prêts hypothécaires. Sans ce mécanisme de correction, une augmentation des crédits, qui ne s’expliquerait pas par les fondamentaux, peut alimenter une demande soutenue pour l’immobilier et contribuer de fait, à court terme, à accroitre davantage les prix. En somme, les résultats suggèrent qu’un déséquilibre sur le marché des prêts hypothécaires est corrigé plus rapidement que sur le marché immobilier. Ces résultats sont également corroborés par l'analyse des réponses impulsionnelles, qui montre que les chocs sur les variables endogènes entraînent des hausses permanentes des prix des logements.

Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème.

Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL par ce lien.