Prince Henri Auditoire 02 BW

Publication du Cahier d’études n° 152 - Are neutral and investment-specific technology shocks correlated?

14.01.2021

Auteur: Alban MOURA 

Depuis une quinzaine d’années, nombre de banques centrales ont adopté des modèles d'équilibre général dynamiques et stochastiques (modèles DSGE, en abrégé) pour analyser les effets de la politique monétaire. Une implication robuste de ce type de modèles est que la politique optimale dépend de la nature des chocs affectant l’économie au cours du temps. Par exemple, il est bien connu que la politique monétaire répond de manière différente aux chocs d’offre et de demande. De manière plus fine, des chocs d’offre affectant des secteurs différents de l’économie appellent également des réponses distinctes. Globalement, la compréhension de la nature et des propriétés des chocs est cruciale au choix de la politique la plus appropriée. 

Cet article porte sur les propriétés des chocs technologiques. Traditionnellement, les modèles du cycle économique font la différence entre le changement technologique neutre et le changement technologique spécifique au secteur des biens d’investissement. Le changement neutre a un impact symétrique sur la production de tous les biens, tandis que le changement spécifique au secteur de l’investissement affecte uniquement la production des biens d’investissement. Dans ce cadre, il est usuel de supposer que les deux types de technologie évoluent de manière indépendante, ce qui permet d’identifier leurs propriétés statistiques dans les données.

Récemment, plusieurs auteurs ont questionné cette hypothèse d’indépendance en étudiant la relation empirique entre la productivité totale des facteurs (PTF) et le prix relatif de l’investissement (PRI). Leur démarche exploite une propriété fondamentale des modèles macroéconomiques, selon laquelle la PTF reflète l’évolution de la technologie neutre et le PRI celle de la technologie spécifique au secteur des biens d’investissement. Dans les données US, ces deux variables présentent une importante corrélation et semblent répondre aux mêmes chocs. Ces propriétés paraissent contredire l’hypothèse d’indépendance habituellement imposée et ont été attribuées au phénomène de diffusion progressif des innovations technologiques entre les secteurs. 

Ces résultats empiriques ont d’importantes conséquences pour la modélisation macroéconomique. Si les chocs affectant les différents types de technologie sont corrélés, tous les travaux antérieurs basés sur l’hypothèse d’indépendance sont mal spécifiés et leurs conclusions peuvent être remises en question. De plus, la présence de chocs corrélés pourrait compliquer la conduite de la politique économique : puisque la politique monétaire optimale réagit de manière différente à un choc technologique neutre et à un choc technologique spécifique au secteur de l’investissement, il devient compliqué de stabiliser l’économie si les chocs sont corrélés. 

Au contraire, cet article démontre que les données ne sont pas compatibles avec la présence de chocs technologiques corrélés. Cette conclusion découle d’une réévaluation critique des résultats avancés dans la littérature pour justifier l’hypothèse alternative de chocs corrélés. Deux points principaux sont à noter. Premièrement, la présence de co-movements entre la PTF et le PRI dans les données ne signale pas forcément la présence de chocs technologiques corrélés : elle peut s’expliquer, même en présence de chocs indépendants, par les propriétés des agrégats économiques mesurant la production réelle dans les comptes nationaux. Deuxièmement, une analyse empirique conduite sur un long échantillon (1950-2019) confirme l’absence de corrélation entre des mesures directes de la technologie neutre et de la technologie spécifique au secteur de l’investissement. 

Ainsi, ces résultats valident les modèles macroéconomiques basés sur l’hypothèse usuelle de chocs technologiques orthogonaux. Il s’agit d’une conclusion importante pour bien comprendre le rôle macroéconomique des chocs technologiques et pour analyser et guider la politique économique, par exemple dans les banques centrales. 

Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème. 

Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL : www.bcl.lu