Prince Henri Auditoire 02 BW

Publication du Cahier d’études n° 159 : (In)efficient commuting and migration choices: Theory and policy in an urban search model

10.05.2022

Auteurs: Luca Marchiori, Julien Pascal et Olivier Pierrard 

Les zones urbaines sont des pôles d’attraction où la création d’emplois stimule l’activité économique, et où la population urbaine – bien que dense – ne suffit pas à répondre au besoin de main-d’œuvre des entreprises. La force de travail y est donc alimentée par les habitants des zones urbaines (nous les nommerons « résidents ») mais aussi par les travailleurs vivant à l’extérieur de ces zones (nous les nommerons « navetteurs »). Cette combinaison résidents/navetteurs se retrouve dans de grandes villes, comme Paris et Londres, mais aussi dans de petits États souverains, tel que le Grand-Duché de Luxembourg. 

Dans cette étude, nous développons un modèle urbain de recherche et d’appariement (« search - and - matching ») comprenant des éléments d’économie urbaine et d’économie du travail. Dans notre modèle, il existe deux zones, le centre-ville – où se trouvent tous les emplois – et la périphérie. Il comporte également deux types de travailleurs : les « navetteurs », c’est-à-dire les personnes habitant dans la périphérie et payant moins de loyer mais effectuant des longs trajets journaliers de leur domicile à leur travail ; et les « résidents », c’est-à-dire les personnes habitant en ville et payant plus de loyer pour résider près de leur lieu de travail. La principale contribution de notre modèle réside dans la prise en compte du choix opéré par les travailleurs, qui peuvent changer de résidence pour se rapprocher de l’emploi ou accepter des longs trajets « domicile-travail ». Jusqu’ici, la littérature s’est focalisée sur une décision (changer de résidence ou ne pas le faire) ou l’autre (faire la navette ou ne pas la faire), tandis que nous considérons les deux simultanément. 

L’objectif de notre étude est d’analyser le choix d’habiter en ville (résidents) ou en périphérie (navetteurs) ainsi que les implications économiques de ce choix. Bien que ces décisions puissent générer de nombreuses externalités (comme la congestion routière, la pollution, etc.), nous nous focalisons sur une externalité émanant du marché du travail, que nous appelons « externalité de composition », parce qu’elle est liée à la proportion de navetteurs et de résidents dans la force de travail. En effet, le statut navetteur/résident d’un demandeur d’emploi influence sa négociation avec des employeurs potentiels, ce qui peut aboutir à des différences salariales. Par conséquent, au niveau macroéconomique, la proportion de navetteurs et de résidents dans la force de travail a un impact sur les coûts des entreprises et, donc, sur la création d’emploi. Or, dans un équilibre compétitif (c’est-à-dire sans intervention de l’État), les individus ne prennent pas en compte cette externalité lorsqu’ils décident de devenir navetteurs ou résidents. 

Nous obtenons trois résultats majeurs. Premièrement, en distinguant explicitement entre navetteurs et résidents, notre modèle peut reproduire diverses caractéristiques observées dans les données, comme par exemple, que la densité de population baisse au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre-ville. Deuxièmement, nous montrons analytiquement que l’externalité de composition implique que l’équilibre compétitif n’est pas forcément efficient (allocation sous-optimale des ressources). En effet, trop ou pas assez de résidents (ou de manière équivalente, pas assez ou trop de navetteurs) conduira à un niveau sous-optimal d’emplois et donc d’activité économique. Finalement, après avoir calibré le modèle pour reproduire différentes caractéristiques des données, nos simulations illustrent comment l’intervention de l’État, à travers des politiques du transport et du logement (aides et taxation), peut améliorer l’allocation des ressources. 

Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème. 

Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL : www.bcl.lu